Des billets introuvables
C’est une situation qui a en effet, tendance à se répéter à chaque rencontre de l’équipe du Sénégal à domicile. Se procurer un billet d’entrée au stade Me Abdoulaye Wade pour un match des Lions est devenu fastidieux. Ouverts samedi 9 septembre, les points de vente ont tous fermé après quelques heures sous prétexte qu’il n’y avait plus de billets disponibles. Au moment où les files d’attente grossissent devant l’ancien siège de la Fédération sénégalaise de football (FSF). Une récurrence qui s’explique par l’opportunisme de revendeurs, devant l’impuissance de supporters venus, nombreux se procurer le précieux sésame.
Avec 6 points de vente officiels, Dakar concentre l’essentiel de la billetterie lors des matchs des champions d’Afrique en titre. Partout, on assiste aux mêmes scènes de marchandages entre des supporters désemparés et des revendeurs impitoyables. Pour des billets de 2 000 FCFA (3 euros), les moins chers du lot, il faudra alors débourser pas moins de 5 000 FCFA (8 euros) au marché noir. Ce dimanche 10 septembre, tous les points de vente de la FSF décrètent une rupture totale de leurs stocks.
Au niveau du point de vente du stade Iba Mar Diop, c’est la cohue autour des guichets déjà fermés. «Depuis samedi après-midi j’essaie de trouver des billets pour moi et mes trois frères, je viens de Bargny (à 35 Km du centre-ville de Dakar), informe Ansou Sané au micro de Sport News Africa. Tous les guichets étaient fermés et il y avait des dizaines de revendeurs qui avaient chacun un bloc de billets qu’ils vendaient avec des plus-value de 50% au moins. J’étais venu avec 20 000 mais pour les 4 billets je devrais payer 32 000. On ne va pas pouvoir aller au stade», confie-t-il la mort dans l’âme.
La théorie d’un business au sein même de la FSF
Partout dans la capitale Dakar, nous trouvons des revendeurs qui prennent possession de points de vente déjà fermés sous le regard impuissant de la Fédération ou la complicité de certains de ses membres à en croire certaines théories. Sur tous les réseaux, les supporters sénégalais s’offusquent de l’organisation désastreuse de leur Fédération qu’ils accusent même d’être les instigateurs de ces pratiques occultes. Malgré des consignes limitant le nombre de billets vendus à chaque personne, les revendeurs sont étonnamment bien fournis.
«Moins de deux heures de temps après l’ouverture des points de vente, on nous dit qu’il n’y a plus de billets. Ce sont les revendeurs qui nous prennent en otage. Ce qu’ils font c’est juste malhonnête», s’offusque ce jeune supporter. «Normalement personne ne peut acheter plus de 5 billets au moment où les revendeurs ont en leur possession des blocs entiers de billets, s’interroge un autre supporter. C’est forcément des dirigeants de la Fédération qui leur donnent pour revendre plus cher et faire du business sur notre dos», accuse t-il.
Lorsque nous avons tenté de joindre les responsables de la vente des billets à la FSF, nous nous sommes heurtés à leur silence. De leurs côtés, les revendeurs se défendent arguant qu’il n’y rien d’illégal dans ce qu’ils font. «C’est ce que nous avons toujours fait, on achète beaucoup de billets avec notre propre argent et on le revend pour avoir des bénéfices. Nous ne faisons rien de mal. C’est juste du business. Nous mettons énormément d’argent pour nous procurer des billets dans les guichets et sous la chaleur», nous explique ce revendeur.
Risque de désamour entre les Lions et le public
Ces dernières années, la Fédération sénégalaise de football a été plusieurs fois interpellée par la presse locale sur la commercialisation des billets lors des matchs de l’équipe nationale. En mars 2022, pour le match retour des barrages des qualifications à la Coupe du monde 2022 dans la zone Afrique, la FSF avait ainsi opté pour une billetterie exclusivement électronique avec un opérateur local. Un système qui avait fini de montrer ses limites. La Fédération avait alors subi un bashing auprès des médias. C’est donc un rétropédalage trois mois plus tard pour la réception en juin 2022 du Bénin en qualifications à la CAN 2023.
Ces couacs à répétition de l’instance dirigeante du football sénégalais, lui valent alors pas mal de critiques de la part du public sénégalais. Incapable de trouver une parade contre cette dictature des revendeurs, la relation entre l’équipe nationale du Sénégal et ses supporters s’est toutefois progressivement refroidie. «Ultras 221», un groupe de supporters très engagés et qui mobilise entre 5000 et 10 000 supporters à chaque rencontre à domicile avait appelé au boycott lors de la rencontre Sénégal – Mozambique en mars 2023.
Dans un climat politico-social des plus tendus, la FSF avait alors vendu la totalité des billets aux responsables politiques du parti au pouvoir. Ces derniers voulant éviter en effet des scènes de manifestations contre l’actuel régime dans les travées du stade ont distribué leur butin à leurs militants. Bis repetita le 27 août dernier lors de la finale de la Coupe du Sénégal entre Jaraaf et Stade de Mbour. Un match pour lequel le président de la République était attendu en invité exceptionnel, avant de se rétracter. Composée essentiellement de dirigeants politiques, la Fédération sénégalaise de football a du mal à se départir de son costume politique au détriment de celui sportif. Une cohabitation qui semble de plus en plus intenable.
Moustapha M. SADIO