SNA : Après une entrée difficile au Mondial féminin, le Maroc a créé la surprise en se qualifiant au second tour, quelles ont été les clés de ce renversement de situation inespéré ?
I.K : Je crois que la qualification en elle-même ne devrait pas être une surprise compte tenu des qualités des joueuses marocaines et du travail accompli depuis le début de ce projet. Cependant, le scénario de cette qualification semblait initialement impossible, étant donné la composition difficile du groupe et après une défaite lourde contre les Allemandes. Toutefois, à mon avis, la force mentale a été un facteur déterminant. Car, malgré les nombreux défis et les changements de résultats, nos joueuses sont restées calmes, engagées dans leur jeu et ont su gérer toutes sortes de pression, que ce soit tactique, mentale (du fait de leur première participation à la Coupe du Monde) ou celle liée aux résultats.
A cela, s’ajoute le courage du coach, car il a maintenu la même stratégie tout en adaptant la composition de l’équipe, en apportant des changements à certains éléments et en modifiant la position d’autres.
Enfin, la troisième et plus importante clé a été la confiance de tout le groupe, chacune en soi-même et envers les autres. Les joueuses ont fermement toutes cru qu’elles pouvaient donner le meilleur d’elles-mêmes.
Les Marocaines ont été joueuses dans tous les matchs, même celui qu’elles ont perdu contre l’Allemagne. Dans quels secteurs l’équipe impressionne le plus à votre avis ?
Notre équipe nationale se distingue de manière impressionnante dans plusieurs domaines. Mais je retiens surtout la discipline et l’engagement tactique des joueuses et du coach. Quel que soit l’adversaire, la situation ou le résultat, cette discipline est présente. Elle se retrouve de plus en plus dans l’ADN du football marocain. Les joueuses ont aussi quelques qualités techniques et athlétiques et surtout une polyvalence qui apporte beaucoup.
Cependant, selon moi, l’aspect le plus impressionnant est le volet socio-psychique : l’équipe agit comme une véritable famille, collaborant sur le terrain et en dehors. Elle se montre résiliente mentalement face à toute sorte de situation et grandit à travers les défis…
A quel type de rencontre s’attendre face à la France en 8es ?
Le match peut être envisagé selon deux perspectives distinctes. Il y a le cadre des matchs de cette nature en phase finale. La qualification se joue sur le terrain, ce qui peut constituer une pression supplémentaire ou, si bien gérée, une opportunité à saisir. Il y a également, la perspective spécifique liée à l’affrontement avec l’équipe de France, qualifiée en tête d’un groupe comprenant le Brésil et la Jamaïque, et qui est actuellement en grande forme. Mais chaque entraîneur connaît parfaitement les détails du football pratiqué par l’adversaire. Hervé Renard, ancien sélectionneur des Lions de l’Atlas, et Reynald Pedros, un entraîneur qui a réalisé de grands exploits dans le football féminin français.
Dans l’ensemble, cette situation laisse présager que le duel sera intense et compétitif, avec des enjeux élevés pour les deux équipes. Ce qui est sûr, la préparation et la gestion de la pression joueront un rôle crucial dans son déroulement et dans la qualification au tour suivant.
Dans quels domaines le Maroc doit encore s’améliorer pour éliminer les Bleues ?
Bien que nous ayons réussi à nous qualifier, il y a encore quelques points à améliorer avant le match. Dans le jeu de transition, le Maroc doit être plus rapide et efficace. Il faudra rapidement passer de la défense à l’attaque dès la récupération. Une transition rapide permettra d’exploiter d’éventuelles faiblesses de la défense française et de créer des opportunités de marquer. En outre, les Lionnes de l’Atlas devront bien gérer les balles arrêtées. Ce sont des moments clés pour marquer ou concéder des buts. Dans ces situations-là, le Maroc doit se montrer efficace et en tirer profit.
En travaillant sur ces aspects du jeu, le Maroc peut renforcer son potentiel offensif et augmenter ses chances de réussir face à l’équipe française.
A ce stade de la compétition, quel est l’élément clé quand on affronte une équipe comme la France considérée globalement comme supérieure ?
Face à un tel adversaire, il est indispensable de s’armer d’une discipline tactique et d’une endurance physique.
En termes de discipline défensive, le Maroc doit faire preuve de rigueur face à une équipe comme la France, qui dispose d’attaquantes rapides et techniques. Les joueuses devront maintenir leur position et éviter de se laisser déséquilibrer, tout en évitant les fautes dangereuses près de la surface de réparation. Il est primordial de maintenir leur organisation en phase de non-possession du ballon et de veiller à ce que les lignes défensives restent bien structurées. La discipline dans leur formation en 4-4-2 compliquera la tâche des attaquantes techniquement excellentes de la France pour trouver des espaces.
L’endurance physique jouera également un rôle essentiel, car jouer contre une équipe comme la France peut être épuisant. Le Maroc doit être en excellente condition physique pour rivaliser pendant toute la durée du match et ne pas baisser d’intensité au fil du temps.
Pour ce faire, la gestion de la charge émotionnelle est un facteur clé. Il est nécessaire de faire preuve d’un réalisme accru par rapport à notre performance face aux Allemandes. Chaque équipe doit être évaluée en fonction de ses compétences réelles. Bien que les Bleues aient réalisé une performance remarquable, notre équipe possède également des qualités qui nous permettent de rivaliser avec des équipes de tous niveaux.
En mettant l’accent sur ces aspects, le Maroc peut renforcer ses chances de succès contre l’équipe française et se donner une meilleure opportunité de l’emporter.
Entre cette qualification en 8es de finale et la finale de la CAN féminine, quel est le plus grand exploit du football féminin marocain à votre avis ?
Dans le football de haut niveau, chaque réalisation compte. Cela est d’autant plus vrai dans le cas d’une qualification en huitièmes de finale, qui nécessite de passer par la finale de la Coupe d’Afrique des Nations féminine en raison des modalités de qualification.
Cependant, si nous comparons ces deux exploits, la qualification en huitièmes de finale du Mondial féminin (jusqu’à présent, car nous pouvons encore faire mieux) a un impact plus significatif sur le football marocain, en particulier sur le football féminin marocain. Cela représente l’occasion optimale pour évaluer le travail accompli jusqu’à présent, en se mesurant à des équipes de haut niveau et en se comparant à elles.
L’importance et la grandeur de cet exploit sont d’une autre échelle du fait qu’il est réalisé très loin du pays et du soutien chaleureux des gradins dans les stades marocains.
Propos recueillis par Mohamed Hadji