Officiellement, une blessure de dernière minute face à Toulouse le 18 mars en Ligue 1 a empêché Jonathan Bamba d’être avec les Éléphants face aux Comores les 24 et 28 mars dernier. Si la Fédération a vite communiqué sur cette absence, elle n’a pu empêcher la vague d’indignations et surtout d’interrogations concernant le futur de l’ailier de Lille sous la vareuse orange des Pachydermes. Plusieurs observateurs y ont vu un refus poli malgré les justifications de la faîtière et les explications de coach Jean-Louis Gasset.
La Fédération contre-attaque
Le 23 mars, en conférence de presse, le sélectionneur de la Côte d’Ivoire a fait cette déclaration. «J’ai travaillé avec Jonathan Bamba à l’AS Saint-Etienne et tout le monde est au courant que je l’ai lancé dans le bain lui et Wesley Fofana. Je l’ai convoqué, il s’est blessé à la dernière minute du match à Toulouse, qu’il a fini. Il a ressenti une gêne, j’ai eu le docteur, le certificat médical, le président (lillois) Olivier Létang, le directeur sportif, Sylvain Armand et Jonathan Bamba qui était désolé de ne pas honorer sa première sélection », avait déclaré Gasset, un tantinet agacé par la question des journalistes. Et il n’y a pas que lui que la question fâche. Le président de la Fédération Ivoirienne de Football est aussi monté au créneau.
« Concernant les binationaux, le coach Gasset en a formés beaucoup en Europe. Il s’est servi de son relationnel pour en convoquer plusieurs dont Jonathan Bamba. Je peux vous le confirmer qu’il a répondu oui et c’est pour ça qu’il a été convoqué. Cela dit, permettez-nous de garder le secret sur ceux avec qui nous sommes en contact pour ne pas que cela gêne les discussions que nous avons avec eux. C’est quand nous aurons obtenu leur accord définitif qu’on pourra vous informer. C’est de cette façon qu’on a toujours procédé », a pour sa part confié la main sur le cœur Idriss Diallo lors d’une interview avec la presse nationale et internationale sur une plate-forme dédiée à la promotion de la CAN 2023 le 5 avril 2023. Pourtant, des anciens joueurs et des spécialistes estiment ne pas être dupes.
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L’attitude de Bamba pose problème
Beaucoup d’ivoiriens voient d’un mauvais œil la cour assidue que les dirigeants de la FIF font aux binationaux. Fadel Keita, frère aîné de l’ancien lyonnais Kader Keita et président délégué du Sporting Gagnoa a mis les pieds dans le plat pour dénoncer l’attitude de Jonathan Bamba. Son avis est significatif d’autant plus que son frère, Kader a également brillé sous le maillot du Losc, donc y a gardé des amitiés. Mais aussi parce que Fadel dirige le club de Yssouf Diabaté, président de la Ligue amateur de football, nommé par Idriss Diallo. « Nous avons tous été internationaux ivoiriens. Quand tu contractes une blessure et que tu es convoqué en sélection, tu viens faire constater ta blessure par les médecins de l’équipe nationale. Le cas Jonathan Bamba est un manque de respect pour la sélection. Il faut arrêter de supplier des joueurs pour qu’ils portent le maillot national», a-t-il fustigé, sans détour. Mieux, l’ancien attaquant de l’Africa Sports estime que Bamba ne peut rien apporter aux champions d’Afrique 2015.
« Quand tu vois un joueur comme Serey Dié pleurer pendant l’exécution de l’hymne national, c’est la charge émotionnelle qui se trouve dans la fierté de porter le maillot national. C’est l’aboutissement des efforts consentis par un footballeur. Didier Drogba avait la possibilité de jouer pour la France, mais il a opté pour la Côte d’Ivoire. C’est qui Jonathan Bamba ? Il joue dans quel club ? Il y a des milliers de joueurs qui ont le même profil que lui dans le championnat ivoirien. Jonathan Bamba ne peut pas être une valeur ajoutée pour les éléphants», analyse-t-il.
Le jeu du chat et de la souris
L’ancien avant-centre international n’est pas le seul à penser que Bamba a feinté tout le monde. Cependant, ce ne sont pas pour les mêmes raisons selon un expert-consultant en football. « Pour moi Bamba est encore à l’étape de la réflexion. Sportivement, il sait que l’équipe de France est en train d’être rajeunie. Il est aujourd’hui un ailier qui compte, derrière Dembélé et Coman donc il a plus de chances que jamais d’être sélectionné avec les Bleus. Mais ce n’est pas la raison principale pour laquelle il a manqué de venir honorer sa première cape avec les Éléphants », nous a expliqué un journaliste de la chaine cryptée Canal +, qui a souhaité ne pas être cité puisqu’il se prononce officieusement. Et de poursuivre.
« Il y a le côté business, le côté financier avec la fin de la saison qui est proche et le mercato qui va s’ouvrir. Il sait qu’en signant en Angleterre, où il est pisté en étant Francais, ça augmente ses chances d’être chèrement payé que s’il signe avec la nationalité sportive ivoirienne. Ça ferait hésiter n’importe quel joueur qui possède la double nationalité et qui est sur le point d’être transféré », a détaillé notre interlocuteur.
Comme pour Seko Fofana, le nom de Bamba est très attendu sur la prochaine liste des Eléphants en juin. Une nouvelle absence serait la preuve que la FIF a voulu ruser et lui forcer la main en vain.
Sanh Séverin