« Oh non ! Je n’en reviens pas. Il ne fallait pas », s’est écrié ce 2 septembre, Équateur Denis Nguimbi. Le journaliste sportif a beau ignorer la nouvelle, l’implacable sentence de la nature venait pourtant de tomber. Salif Keïta venait de quitter ce monde ce samedi.
Comme un peu partout en Afrique, la mort de l’ancien international malien (1963-1972) n’a pas pu retenir les larmes des Congolais, notamment dans l’univers du sport en général et du football en particulier. Et si les Congolais sont loin d’oublier « Domingo », c’est parce que c’est un dimanche 5 mars 1972 que le Congo-Brazzaville écrivit l’une des plus belles pages, sinon la plus belle page de son histoire footballistique.
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Ce fut en finale de la 8e édition de la CAN à Yaoundé, au Cameroun. L’équipe nationale du Congo, dénommée « Congo Sports » à l’époque, remportait la finale de la plus prestigieuse compétition par 3-2 devant le Mali d’un certain Salif Keïta épaulé par bien d’autres cadors tels que Fantamadi Keita (meilleur buteur de cette édition) et de Moctar Maïga.
De quoi faire peur aux Congolais. « Il y avait de quoi. J’étais encore gamin. Mais je me souviens de ce match. Face à de tels talents, on ne pouvait pas espérer. Là, encore, il faut dire que c’est parce que Salif Keïta n’avait pas joué la finale ! Toutefois, on ne peut pas parler de notre sacre en CAN 1972 sans pour autant penser à Salif Keïta », se rappelle Janvion Moukakounou, ancien international.
Mais ce n’est pas le premier trophée que le Mali de Salif Keïta perd contre le Congo. Sept ans auparavant, lors des Jeux Africains de 1965 à Brazzaville, les Congolais remportent le tournoi. Et le futur triple champion de France avec Saint Étienne (1968, 1969 et 1970) était de la partie. C’est en ce moment que Salif découvre des talents émergents du jeune État indépendant d’Afrique centrale.
« Inspirateur, boussole »
« L’histoire entre le Congo et le Mali commence lors des Jeux Africains. En marge de la compétition, il est invité à suivre des matches de clubs locaux. Et c’est là qu’il dira lors d’une interview avoir été séduit par ces jeunes Congolais. Parmi ces jeunes, moi. Tout simplement parce que j’avais réalisé un slalom de même qualité que celui de Maradona ou de Messi. Si c’était aujourd’hui, ce but aurait fait, j’en suis sûr, le buzz sur les réseaux sociaux. Il ira même jusqu’à prédire un bel avenir pour le football congolais », révèle Poaty Gilbert dit « Hidalgo ».
Mais quelque cinq jours après son décès, mis à part ces deux échecs de Salif Keïta face au Congo, le tout premier Ballon d’or africain (1970) s’est déjà immortalisé dans les cœurs des Congolais. « Le fait d’avoir été le premier à remporter le Ballon d’or africain fait déjà de lui une référence, mieux encore une boussole. Et d’ailleurs, la vraie boussole du football africain, c’est bien lui (rires) », commente Sébastien Lakou, international congolais, vainqueur de la coupe d’Afrique des clubs champions (Ligue des champions) 1974 avec le CARA de Brazzaville.
Mais le côté managérial de « La Panthère noire » n’est pas en reste. « Il est l’une des rares vieilles gloires à créer un centre de formation de football. Et tous nous en avons vu les fruits dont le célèbre Seydou Keïta qui nous a fait plaisir avec le RC Lens et surtout le FC Barcelone. C’est symptomatique de son talent en matière du management du football. Et ça ne peut que nous inspirer », souligne encore Janvion Moukakounou.
Et si les muses ont toujours la particularité d’être immortelles.