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Safiétou Goudiaby Rugby lutte

Safiétou Goudiaby, une crack de la lutte et du rugby qui rêve des JO

Participer aux Jeux Olympiques est un rêve pour tous les sportifs. Y prendre part dans deux sports différents en même temps est surréaliste. C’est pourtant le rêve de Safiétou Goudiaby. L’internationale sénégalaise de rugby à VII et à XV est également l’un des atouts de l’équipe du Sénégal de lutte olympique. C’est pourtant dans l’athlétisme qu’elle débute avec des résultats probants. De 2004 à 2009, elle fait bonne figure dans les championnats régionaux et nationaux avant de décrocher à l’aune de ses 20 printemps.

Un abandon douloureux de l’athlétisme pour la lutte

Née à Dakar le 2 septembre 1989 mais originaire de Baïla, un village situé à Bignona, au sud du Sénégal, elle y passe ses grandes vacances à la fin de chaque année scolaire. «En 2007, je me suis rendu au village de mes parents pour un événement coutumier qui a lieu tous les 30 ans. Je suis resté trois mois et j’ai pris du poids. À mon retour à Dakar, mes chronos en sprint n’étaient pas bons, je terminais des fois 4e voire plus loin dans les compétitions. J’ai alors dit à mon coach que j’allais arrêter l’athlétisme» explique Safiétou Goudiaby.

Une décision dure à prendre. Mais, elle n’arrête pas le sport. «Terminer si loin au classement était difficile à accepter pour moi. Mon coach m’a alors proposé de migrer vers une autre discipline parce qu’il refusait que j’abandonne le sport. Il m’a alors suggéré de pratiquer la lutte. J’étais tout à fait contre au début parce que pour moi, la lutte n’était pas un sport de femmes. Il m’a expliqué que c’était de la lutte olympique et que je devais au moins essayer» confie-t-elle.

Safiétou Goudiaby finit par céder. Bien lui en a pris. Ses aptitudes d’athlète lui permettent d’être tout de suite brillante. «Il y avait beaucoup de femmes dans la salle pour ma première session. J’avais un atout sur elles, même si elles m’ont devancé dans ce sport. J’avais une meilleure condition physique qu’elles. En 2013, je suis sélectionnée pour les championnats d’Afrique au Tchad où je décroche une médaille de bronze. J’ai informé le Directeur technique Abdou Badji que j’allais arrêter la lutte. Il a refusé et m’a convaincu que je devais attendre les Jeux de la francophonie 2013 à Nice en France. J’y participe et je décroche une médaille de bronze, une fois de plus. En 2014 je me rends jusqu’en finale des championnats d’Afrique en Tunisie. Je perds mon combat et je termine médaillée d’argent» se remémore-t-elle.

À la découverte de l’ovalie

Safie obtient ensuite une bourse pour le centre national d’éducation populaire et physique (CNEPS) à Thiès. Jusqu’en 2016 avec la fermeture du centre. Cette même année, Safiétou Goudiaby découvre la balle ovale par le plus grand des hasards. «En 2016, je pars en vacances. Sira, une amie qui pratiquait le rugby m’invite à essayer pour passer le temps. Je voyais le rugby comme un sport dangereux. Mais quand j’ai essayé, j’ai tout de suite brillé. »

Grâce à ses aptitudes en athlétisme et en lutte, l’adaptation vers l’ovalie fut expresse. «Je courais balle en main et quand il fallait défendre je plaquais volontiers. Le coach me demande qu’est-ce qui explique que j’ai tardé à me mettre au rugby. Il me dit que si je m’y consacre je pourrais percer dans ce sport. J’ai suivi son conseil. En trois semaines d’entraînements, je suis sélectionnée pour disputer les championnats d’Afrique au Botswana. J’ai, dès lors, décidé d’allier la lutte olympique et le rugby. S’il y a une compétition de rugby à l’extérieur, je demande la permission à la fédération de lutte et vice-versa.»

Choix impossible entre lutte et rugby

Une cohabitation risquée. Mais abandonner la lutte n’était pas envisageable pour la jeune femme qui avait là l’occasion de côtoyer la légende de cette discipline au Sénégal, Isabelle Sambou. «Elle était la capitaine de l’équipe nationale et mon idole. La première fois que je suis allée en regroupement et que je l’ai vue lutter, je l’ai trouvée brillante. Je suis rentrée dans ma chambre et je me suis lancée le défi de suivre ses pas. À la fin des séances d’entraînements, je la prenais en individuel, je lui demandais les différentes techniques. Même si elle était plus forte que moi, je n’hésitais pas à me frotter à elle. »

Le désir d’atteindre le niveau de son idole était plus fort que tout. «Nous n’étions pas de la même catégorie de poids et l’essentiel était d’apprendre de celle que j’idolâtre. Aujourd’hui je peux dire que tout ce que j’ai pu faire dans la lutte olympique c’est grâce à Isabelle Sambou. Il arrivait qu’on fasse de longs footings ensemble. Quand je me fatiguais et que mon corps voulait arrêter, je la regardais et me disais  »si elle qui est plus âgée tient le coup, je me dois de ne pas lâcher »».

En 2016 au TQO en Algérie, Safiétou Goudiaby est présente aux côtés de Isabelle Sambou et d’autres lutteurs de l’équipe nationale. Elle décroche la médaille de bronze mais rate de peu la qualification en terminant 3e alors que les deux meilleures de chaque catégorie obtiennent la qualification pour Rio. Elle s’est jusqu’ici étoffée un beau palmarès en lutte olympique avec 5 médailles de bronze, 4 en argent et une en or. Elle est déterminée à faire autant dans le rugby.

Membre de la sélection féminine de rugby à VII, Safiétou Goudiaby se réjouit du lancement, il y a seulement 11 mois de la première équipe nationale féminine de rugby à XV. «Le lancement de la sélection féminine à XV est une bonne chose. Cela permet à des filles du VII qui ont pris du poids de revenir pour constituer le pack d’avants lors des mêlées en rugby à XV. Les 3/4 aussi vont en profiter pour exceller. Pour notre première sortie internationale en Tunisie, nous avons montré énormément de personnalité, de talent et surtout la passion du rugby» soutient elle.

Des rêves olympiques pour Paris 2024

Pour le sélectionneur des Lionnes du VII, c’est une aubaine d’avoir Safiétou Goudiaby dans ses rangs grâce à ses diverses qualités d’athlète. «Elle fait de la lutte olympique, elle a déjà pratiqué l’athlétisme avant de rejoindre le rugby. Le rugby est à la limite facile pour elle, soutient Babacar Diatta. En tout cas, c’est facile pour nous entraîneurs d’avoir une athlète aussi douée avec qui on n’insiste que sur des aspects techniques. C’est une fille très intelligente sur le terrain, techniquement bonne et physiquement impressionnante. Elle apporte un gros impact quand elle est sur la pelouse et c’est ce qui explique cette admiration du staff mais aussi du reste de l’équipe. »

La talonneuse de 32 ans connaît d’ailleurs ses qualités mieux que quiconque. «Je suis avantagée dans la pratique du rugby grâce à mon passé. Le rugby requiert de la vitesse, du coffre et de l’endurance. Des qualités que j’avais grâce à l’athlétisme. En plus je pratique la lutte olympique qui est aussi un sport de combat. Lorsqu’on met les spécificités de ces sports, on les retrouve dans le rugby. C’est ce qui fait que je n’avais pas de problème dans la technique, dans les plaquages, dans la vitesse ni dans la résistance. Grâce à mes bases d’athlète et mes qualités de lutteuse» assène Safiétou Goudiaby.

En attendant «le renforcement des clubs pour un championnat d’un meilleur niveau, le principal obstacle au développement du rugby féminin», la numéro 2 des Lionnes reste confiante pour l’avenir du rugby féminin sénégalais. «Pour les prochaines échéances de l’équipe nationale, il faut une bonne préparation avec des matchs amicaux. S’il le faut, se déplacer pour affronter d’autres sélections, au Kenya, au Cameroun… Si on parvient à avoir cette préparation, je ne doute pas qu’on pourrait décrocher la première qualification du Sénégal à la Coupe du monde. C’est tout ce qui manque car on a un groupe très talentueux, avec le physique et la technique».

Après avoir manqué la qualification aux Jeux de Rio, Safiétou Goudiaby reste toujours motivée. À 32 ans, elle rêve de disputer les J.O de Paris en 2024 avec la sélection de rugby à VII et l’équipe nationale de lutte olympique. Ce qui serait inédit.

Moustapha M. SADIO

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