L’équilibre pour l’expression collective
Intronisé à la tête de cette sélection locale en avril 2022 suite au décès de l’ancien sélectionneur Joseph Koto, Pape Thiaw a vite tenté de trouver une base tactique pour mettre ses préceptes en place. « Cette sélection respecte les principes du football. Une équipe qui est soutenue par des joueurs très doués sur le plan technique, très athlétiques. Ce qui est normal, nous sommes à la 11ème journée, confie Cheikh Guèye, coach du Stade de Mbour. Aujourd’hui, le joueur sénégalais a gagné en maturité psychologique. Ce qui fait que même sur le plan mental, cette équipe est bien assise. Sur le plan tactique, et cela est le mérite du coach, il a cherché les caractéristiques des joueurs pour s’assurer un équilibre défensif et offensif », a-t-il analysé au micro de SNA.
Entraîneur de la Jeanne d’Arc et adjoint de Joseph Koto, sélectionneur du Sénégal lors de ses deux premières participations en 2009 et 2011, Badara Sarr est séduit par cette équipe. « C’est une équipe qui a bien mûri, équilibrée avec une défense bien en place, un milieu bien articulé autour de Ousmane Kane et Lamine Camara en métronome. On sent que l’équipe a de bonnes stratégies sur les phases arrêtées. Dans l’animation offensive également on voit des circuits préférentiels. Ça montre que cette équipe a été bien façonnée », a-t-il noté. Pour l’actuel entraîneur de la Jeanne d’arc de Dakar (National 1), Pape Thiaw a vite réussi à trouver un 11 type. « C’est une équipe qui se dessine avec un gardien et une défense inamovibles. À part les changements au milieu entre Elimane (Cissé) et Moussa (Ndiaye), l’équipe est inamovible. On sent que l’ossature fonctionne parfaitement. Pape Thiaw a vraiment mis en place une équipe conquérante, compétitive. Le Sénégal fait partie des sélections les plus séduisantes du premier tour, à mon avis. Les experts prennent le Sénégal comme l’un des favoris de ce tournoi », a-t-il ajouté.
Un entraîneur qui aime attaquer
S’il est clair que Pape Thiaw a bâti son succès sur des fondements défensifs, il n’en demeure pas moins que l’ancien coach de Niary Tally a la volonté de faire jouer son équipe. Les trois premiers matches en sont la preuve avec une équipe qui domine ses adversaires. « Le Sénégal est une équipe joueuse, avec des sorties de ballons en trapèze. Du gardien à la défense centrale vers un des latéraux. Il y a certes peu de sorties de ballons en triangle même si les intentions étaient là. Les adversaires contrecarrent cette méthode en essayant d’isoler notre milieu Lamine Camara, qui dans cette méthode de sortie en triangle est le starter. Même si Ousmane Kane joue le rôle de sentinelle », reconnaît coach Cheikh Guèye.
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La méthode Thiaw consiste à favoriser le jeu de fixation dans l’axe avec la doublette Lamine Camara-Elimane Cissé et l’avant-centre Cheikh Ibra Diouf en pivot. Mais la finalité reste d’écarter sur les côtés avec des ailiers supersoniques. « Le côté droit de l’équipe est très intéressant avec la paire Sané-Malick Mbaye. Dans l’organisation au milieu, même si Kane est plus proche dans ce qui semble être un 1-4-3-3, l’équipe varie en 1-4-2-3-1 avec Elimane Cissé ou Moussa Ndiaye comme organisateur ou milieu le plus proche de l’attaque. Ce qui fait que sur l’animation offensive ou les finitions, il y a toujours un effet de surprise avec l’incursion de Camara depuis la 2ème ligne. Une forme d’attaque collective qui se singularise même sur les balles arrêtées jouées en retrait », a expliqué le coach du Stade de Mbour.
« des ailiers qui cartonnent »
Résultat ? Les Lions locaux impressionnent par leur déploiement offensif et le nombre d’opportunités qu’ils se créent. Reste à améliorer la finition. « C’est une équipe flamboyante qui se crée beaucoup d’occasions et qui a la maîtrise dans les matches. Sur le plan technique, c’est une équipe au-dessus de ses adversaires. Dans la vitesse d’exécution, elle a pris le dessus contre la Côte d’Ivoire, l’Ouganda et face à la RDC. C’est dire que la méthode Pape Thiaw convient parfaitement. L’équipe est stable, les joueurs sont complémentaires et les attaques aboutissent. Si on s’améliore sur les pénaltys et le ratio occasions/buts marqués, on peut faire plus mal, que ce soit en quart, en demi ou même en finale », espère coach Badara Sarr.
Il ajoute par ailleurs. « En attaque, il a des ailiers qui cartonnent, qui prennent de la vitesse. Malheureusement, ce qu’on peut reprocher à cette équipe c’est son manque d’efficacité offensive. Elle a inscrit 4 buts mais elle aurait pu en marquer une dizaine sur ces trois matches-là. Mais je reste optimiste parce qu’un attaquant comme Cheikh Diouf sur ses déplacements, son jeu dos au but, son jeu de tête, n’a pas encore trouvé les filets. Il faut aussi rappeler que le Sénégal a raté deux pénaltys au 1er tour. Ils peuvent faire des étincelles s’ils continuent à progresser dans ce domaine », a-t-il rappelé.
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Un management audacieux
Cette fluidité offensive est le fruit de choix forts du sélectionneur du Sénégal. L’ancien attaquant de Metz n’a ainsi pas hésité à se passer de certains cadres pour mettre en place ses idées. « Je ne parlerai pas de décisions fortes. Juste qu’il s’est basé sur des certitudes à la fois tactiques et techniques et quoi qu’on puisse dire, jusqu’à présent il semble avoir raison (…) L’apport des hommes de couloirs pourrait être plus bénéfique si notre côté gauche s’améliore sur le plan technique. Mais cet équilibre dont je parle est possible grâce à une paire d’axe central mature et sereine, qui sait varier les sorties, soit en jeu combiné ou par des déplacements semi long vers les hommes de couloirs », a décrypté Cheikh Guèye.
Du côté de Badara Sarr, on est surpris de ces choix « inattendus » qui donnent raison à Pape Thiaw. « Ce sont des choix très forts. Même l’option Cheikh Ibra Diouf à la place de Raymond Diémé Ndour est à mettre dans ce lot. Tout le monde a été bluffé par Pape Thiaw alors qu’on s’attendait à la titularisation du gardien de but Alioune Badara Faty. Il nous a mis Mamadou Sy qui a fait une belle impression. Il choisit de mettre sur le banc le capitaine de cette équipe depuis des années (Moutarou Baldé) pour Sané au poste d’arrière droit. Là aussi on a tous été bluffés. Ça prouve que le coach est sûr de ce qu’il fait », a-t-il reconnu.
« Cela est la marque d’un tacticien »
C’est un apprentissage express que réussit de façon magistrale l’ancien attaquant international sénégalais. Trouver des alternatives crédibles après une saignée à l’intersaison. « On est séduit par ce que Pape Thiaw et son staff mettent en place dans cette équipe, avoue Coach Badara Sarr. On voit qu’il y a un travail en profondeur avec certains joueurs. Ce n’est pas évident d’avoir une telle stabilité entre les lignes après avoir perdu Bouly Jr Sambou, Ngagne Fall (co-meilleurs buteurs de Ligue 1 la saison dernière, ndlr), Abdou Seydi… On voit des joueurs qui n’ont pas eu un temps d’adaptation mais qui s’en sortent bien », s’est-il réjoui.
En bon tacticien, s’appuyer sur une colonne vertébrale de « Grenats »
Tancé par la presse durant les qualifications et la préparation pour absence d’identité dans ce que propose son équipe, Pape Thiaw profite de ce CHAN pour étaler ses talents de tacticien. « Difficile de juger un collègue entraîneur de l’extérieur, soutient Coach Cheikh Guèye. Mais je sais qu’il a des idées simples et claires. Ce qui facilite la compréhension sur le plan tactique. Le jeu associatif qu’il a voulu, les joueurs y ont adhéré. Sur le plan stratégique, sur les balles arrêtées défensives et offensives, les intentions sont très claires et assimilées. Il préfère jouer avec deux intérieurs à savoir Cissé et Camara ou Moussa Ndiaye-Cissé selon les matches. En fonction des matches, Pape Thiaw utilise ses joueurs selon leurs caractéristiques et cela est la marque d’un tacticien », juge l’entraîneur du Stade de Mbour.
Pape Thiaw et son staff dont Djiby Fall, coach de Génération Foot, ont eu la bonne idée de s’appuyer sur un noyau dur de 6 Grenats dont 5 titulaires. « C’est une aubaine pour l’entraîneur de s’appuyer sur cette ossature, admet Badara Sarr. Si on regarde bien c’est Diambars, Génération Foot, Guédiawaye FC. Ce sont des équipes qui font du bon travail dans la détection, la formation mais aussi dans la compétition. S’appuyer sur une ossature de joueurs de Génération Foot nous vaut quelque part ces résultats-là. On compte sur tous les clubs mais ç’aurait été dommage de se priver de l’ossature d’un club qui travaille bien, c’est un raccourci. On l’a constaté, beaucoup de joueurs s’en vont à l’intersaison. Ce raccourci permet d’avoir des automatismes, de la complémentarité et d’avoir des joueurs compétitifs. Génération Foot est un levier important sur lequel le staff technique s’est appuyé », a-t-il concédé.
Comme en 2009
Lors de la première édition du CHAN, le sélectionneur sénégalais de l’époque, Joseph Koto avait appliqué la même recette pour conduire le Sénégal aux portes de la finale. « Je me rappelle en 2009 lors de notre première participation, on avait 6 joueurs de l’AS Douanes, se souvient Badara Sarr, sélectionneur adjoint lors du tournoi en Côte d’Ivoire. Ce qui a fait qu’on avait gagné du temps. Entre ces joueurs-là il y avait une certaine solidarité, une certaine cohésion. Le coach avait fait une partie du travail en choisissant ces joueurs-là. C’est une très bonne trouvaille de Pape Thiaw. C’est ce que l’on voit aussi dans certaines sélections maghrébines. Même la Côte d’Ivoire qui revient bien dans la compétition, elle présente 11 joueurs de l’ASEC. Cela explique son regain dans le tournoi », a-t-il conclu.
Moustapha M. SADIO
