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CAF : pourquoi les clubs sénégalais n’y arrivent pas en Afrique

Une organisation qui pénalise

Une fois n’est pas coutume, il n’y aura pas de clubs sénégalais en phase de groupe des deux compétitions africaines de clubs, à savoir la Ligue des champions et la Coupe CAF. Les deux représentants Génération Foot et Casa Sport ont été éliminés respectivement par Hafia de Conakry (Guinée) et Étoile Filante de Ouagadougou (Burkina Faso). Même s’il n’y avait pas plus d’attente que d’habitude, la pilule reste difficile à avaler pour les amoureux du football local au Sénégal. La qualité moindre des adversaires suscite cette grosse déception.

Les clubs sénégalais ont même failli ne pas prendre part à cette campagne 2023-2024 des Coupes africaines. La raison ? le retard accusé en championnat et aussi en coupe du Sénégal. Ce qui pose le problème d’organisation au sein de la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP) et de la Fédération sénégalaise de football (FSF). «Sur le plan de l’organisation, on constate un problème de calendrier. Quand les compétitions africaines de clubs débutent, nos clubs sont en fin de saison ou à l’arrêt. Cela ne favorise pas la performance de nos clubs qui sont en période de vacances», explique le journaliste sportif Harouna Dème.

Le Sénégal est un pays particulier avec son célèbre «Navétane». Une compétition populaire de football de quartiers censée se tenir entre juillet et octobre durant la période des grandes vacances. Ce tournoi national qui utilise les mêmes infrastructures que le championnat local se joue depuis quelques années jusqu’en décembre, et même au-delà. Ce qui entraîne une collision obligeant souvent les instances à décaler le championnat. Résultat ? La saison se termine entre juillet et août. Un problème pour les clubs engagés en Coupes de la CAF en pleine période de mercato. « Les effectifs de fin de saison sont perdus comme on a pu le constater avec Génération Foot et le Casa Sport au moment de s’engager dans ces compétitions de la CAF», a relevé Harouna Dème.

Ambitions continentales minimalistes

Chaque année, on assiste à la même valse au sein de tous les clubs sénégalais, encore plus celles devant prendre part aux compétitions de la CAF. Au terme de chaque exercice, les meilleurs joueurs s’en vont pour l’Europe, l’Afrique du nord et même des pays de la sous-région. «Les meilleurs joueurs partent, même les joueurs moyens quittent le championnat. Ce qui est tout à fait normal au regard des conditions dans lesquelles se trouvent nos joueurs, explique Harouna Dème. À la moindre sollicitation ils s’en vont dans d’autres pays. Même dans la sous-région, en Guinée, en Mauritanie… Certains de nos clubs ne paient pas régulièrement les salaires».

L’écosystème paupérisé du football sénégalais favorise cet exode massif des meilleurs talents du championnat sénégalais. Une situation exacerbée par le manque de vision des dirigeants des clubs. «Il y a un manque d’ambition chez eux, assène Dème. Ce sont certes eux qui mettent leurs sous mais ce sont les premiers à se servir dès qu’un de leurs joueurs est vendu. C’est une incongruité pour un football qui aspire au professionnalisme. Nos dirigeants ne sont pas structurés pour planifier un projet sur 5 à 10 ans. Un projet où ils gardent leurs meilleurs joueurs, avec une ou deux ventes mais en gardant une équipe compétitive pour être performant en Afrique», se désole-t-il.

Ce ballet incessant ne permet pas la performance des clubs sur la scène continentale avec un effectif fortement renouvelé et en manque d’expérience de ces joutes de la CAF. «L’équipe qui traduit le mieux cette difficulté de nos clubs à conserver leurs meilleurs joueurs c’est Génération Foot avec 22 de ses joueurs transférés depuis janvier 2023. Comment un champion du Sénégal peut espérer intégrer la phase de groupe de la Ligue des champions avec autant de joueurs vendus ?, s’interroge le journaliste sportif. Vous vous retrouvez avec des cadets et des juniors qui ne sont pas aguerris, qui n’ont pas l’expérience des joueurs qui sont partis. C’est l’échec du système du football local sénégalais», a-t-il ajouté.

La Jeanne d’Arc des années 2000, un modèle à suivre

Depuis 2009, le professionnalisme a été introduit dans le football sénégalais. Un virage à 180 degrés qui n’a pas eu l’effet attendu, 15 ans plus tard. «Cela a quelque peu desservi les clubs qui n’ont pas une bonne organisation, une bonne assise financière, un cadre juridique qui leur permettent de rester attractifs, de former, encadrer et garder des joueurs pour être performants sur la scène africaine», confie Harouna Dème. Avant de tempérer : « Cela dit, dans le football amateur, les clubs formateurs ont une quote-part dans les transferts. À l’ère de l’amateurisme, le Sénégal transférait des joueurs comme Ousmane Ndoye (Jeanne d’Arc vers Toulouse FC)».

Au moment où les sélections sénégalaises brillent, où même l’équipe locale gagne le CHAN, les clubs poursuivent cependant leur dégringolade sur la scène continentale. Pourtant, c’est durant l’ère amateur que les meilleurs résultats des clubs sénégalais ont été obtenus avec la Jeanne d’Arc en finale de la coupe CAF en 1998 et en demi-finale de la ligue des champions en 2004. «Cette JA était en quelque sorte le modèle. Ce que les clubs professionnels font aujourd’hui en payant des salaires et recrutant les meilleurs, c’est ce que la JA faisait aux débuts des années 2000. Oumar Seck, président du club à l’époque disait vouloir confisquer le titre de champion du Sénégal pendant 5 ans pour permettre à ses joueurs de jouer régulièrement la ligue des champions, côtoyer les meilleurs», a rappelé l’expérimenté journaliste.

Battue en finale de la coupe CAF en 1998 par le CS Sfax, la Jeanne d’Arc avait dans ses rangs plusieurs internationaux sénégalais et de pays limitrophes. «Il allait chercher les meilleurs joueurs du championnat parce qu’il payait de bons salaires et qu’il offrait des conditions meilleures que celles d’aujourd’hui. Il recrutait aussi des joueurs étrangers. Il a fait venir Konaté, un arrière droit gambien, Koné présent en équipe du Mali à la CAN 2002, le burkinabé Ouedraogo… Il y a 20 ans, il faisait ce que le Horoya fait aujourd’hui. C’est cela qui permettrait au football sénégalais de progresser. C’est le schéma qui aurait dû servir de base pour nos clubs», insiste Dème.

«Ce qui manque au football sénégalais c’est d’avoir des présidents, des dirigeants capables d’avoir les bonnes idées, d’être suffisamment entourés sur les plans administratif, technique et financier pour bâtir les meilleures équipes. Le football c’est certes sur le terrain mais le travail en coulisses est extrêmement déterminant», a-t-il conclu.

Le football local a été invité à présenter un projet de relance par l’état du Sénégal suite à la victoire au CHAN en février dernier. Sept mois plus tard, rien n’est effectif. La culture du statu quo et la suffisance de ses dirigeants semblent constituer les principales tares du football local sénégalais.

Moustapha M. SADIO

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